Ecrit par : Joy Banerjee
Cinéaste documentariste et ancien journaliste reporter d’images, France Télévisions
Photos : auteur
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Le checkpoint de Kalandya
A quelques kilomètres de Jérusalem, après avoir dépassé une zone industrielle où il n’y a pas âme qui vive, on aperçoit de loin les tourelles militaires qui surplombent le checkpoint de Kalandya. En se rapprochant des casemates, la voiture doit slalomer entre les blocs de béton, les déchets en tous genres qui s’accumulent sur la route. Quelques militaires israéliens, le fusil d’assaut en bandoulière, regardent vaguement les voitures circuler. Ce jour-là, la situation est calme, et les soldats, très jeunes pour la plupart, passent plus de temps à rigoler entre eux qu’à contrôler les véhicules qui rentrent en Cisjordanie. A l’entrée du checkpoint, un immense écriteau recommande aux Israéliens de ne pas franchir la « frontière » avec les territoires palestiniens. Là se dresse le fameux mur de séparation censé empêcher les Palestiniens non détenteurs d’un permis de circuler de se rendre à Jérusalem. Partout autour, des engins de chantier et des ouvriers palestiniens aménagent le checkpoint de Kalandya, principale porte d’entrée pour Ramallah, capitale de la Palestine.
Une fois le barrage passé, les premiers Palestiniens qu’on aperçoit depuis sa voiture sont des jeunes vendeurs de thé à la menthe venus gagner quelques shekels auprès des conducteurs et passagers qui ont réussi à arriver jusque là. Ce jour-là était calme, mais d’autres jours, il faut parfois plusieurs heures pour franchir le checkpoint de Kalandya, quand celui ci n’est pas totalement fermé sur ordre de l’armée israélienne.
Autre comité d’accueil en Palestine occupée, les immenses fresques représentant Yasser Arafat ou le docteur Marwan Barghouti, très populaire ici, toujours détenu dans une prison israélienne.
Je n’étais pas revenu à Ramallah depuis au moins dix ans. A l’époque, j’étais venu lorsque je travaillais à France télévisions comme journaliste reporter d’images pour couvrir les évènements liés à la seconde Intifada. Impossible de s’approcher de Kalandya. Tous les jours, des gamins avec des pierres affrontaient des soldats israéliens qui tiraient à balles réelles. Tous les jours, il y avait des morts…
Aujourd’hui, le calme règne sur Kalandya, comme si chacun était résigné, comme s’il n’y avait plus rien à faire pour que les Palestiniens puissent vivre en peuple libre sur leur terre.
Cette fois, je suis là pour accompagner et filmer une mission de l’AFPS (Association France Palestine Solidarité) et d’Andines, deux associations françaises de soutien aux paysans palestiniens. Pendant une semaine, nous allons sillonner la Cisjordanie occupée et aller à la rencontre des paysans palestiniens qui fournissent de l’huile d’olive, des dattes, ou encore du couscous. Nous serons accompagnés par Issa, agronome palestinien, qui aide à négocier les contrats d’achat et d’importation auprès de la société Al Reef qui conditionne et distribue ces produits. Tous les agriculteurs que nous allons rencontrer vont témoigner de la difficulté de travailler sous occupation, surtout lorsque les plantations sont situées près des colonies qui s’agrandissent ou voient le jour en toute illégalité.
Sania habite dans le village d’Alzawiya, à quelques kilomètres de Ramallah. Elle possède 360 oliviers et produit plus d’une tonne d’huile par an. Ses champs sont situés à quelques dizaines de mètres de la colonie israélienne d’Ariel.
« De temps en temps, les colons lâchent des sangliers sur nos champs qui dévastent les cultures » témoigne Sania. « Ils font ça pour s’amuser » ajoute-t elle.
Ibrahim, lui, est maraîcher et habite dans le village de Wadi Fukin, un village complètement cerné par d’immenses colonies perchées sur les collines alentours. «Parfois les colons déversent leurs eaux usées sur nos plants de courgettes, nos salades, nos tomates… Dès fois, ils viennent en nombre inscrire des insultes sur nos abris » raconte Ibrahim.
Il est clair pour nous que ces formes de harcèlement n’ont qu’un seul but : déposséder les Palestiniens de leurs terres pour annexer définitivement la Cisjordanie.
Dans la région de Jericho, non loin de la frontière avec la Jordanie, on produit et on conditionne les dattes « Medjoul », très demandées sur le marché local, et qui ont aussi un grand débouché à l’exportation. Cette région est en zone C, sous contrôle de l’armée israélienne. De nombreux colons se sont installés dans la région pour eux-aussi cultiver et produire des dattes. Contrairement aux colons, les Palestiniens ont très peu accès à l’eau, car la distribution de l’eau dans cette région semi-désertique est entièrement contrôlée par les autorités israéliennes. Les Palestiniens vont s’adapter en plantant des variétés de palmiers qui poussent dans des eaux salées. La production des dattes palestiniennes est en plein essor et est devenue une source de revenus importante pour l’économie palestinienne. La vallée du Jourdain, c’est justement la région que le plan Trump propose aux Israéliens d’annexer.
« Le meilleur moyen de soutenir les paysans palestiniens, c’est d’acheter leurs produits » nous dit Mohammed de la société Al Reef qui exporte les dattes vers la France.
Le message sera entendu par Guy et Mireille, tous deux bénévoles à l’AFPS, et par Kevin, co-gérant de la coopérative Andines qui importe les produits palestiniens. Tous restent persuadés que la question palestinienne ne doit pas être oubliée dans l’agenda international, et qu’acheter de l’huile d’olive et des dattes est déjà un acte de solidarité important. Prenons tous dattes pour la Palestine.
Prenons dattes pour la Palestine
Un reportage de Joy Banerjee/19 minutes (Fr)
Pour en savoir plus :
http://www.andines.com/
http://www.afps-alsace.com/